Le 4 juin dernier, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) rendait une décision importante dans la mise en œuvre de la Loi sur la diffusion continue en ligne en statuant sur les contributions de base des services en ligne en soutien au système de radiodiffusion canadien. Le processus de consultation ayant mené à cette décision s’est amorcé en juin 2023 et il s’est conclu par des audiences publiques en décembre dernier.
Dans un communiqué, l’AQPM a souligné le caractère historique de cette nouvelle politique réglementaire qui impose aux plateformes étrangères ayant des revenus annuels canadiens supérieurs à 25 millions $, le versement de 5 % de ces revenus à divers fonds de production. Les plateformes affiliées à un radiodiffuseur canadien seront exemptées de cette contribution initiale de base pour l’instant.
Estimant que les contributions pour les secteurs de l’audio et de l’audiovisuel pourraient s’élever à 200 millions $ annuellement, le CRTC a choisi de les diriger vers des fonds existants pour accélérer leur allocation. Pour le secteur de l’audiovisuel, le CRTC a choisi d’octroyer 40 % des sommes au Fonds des médias du Canada (FMC), 10 % au Fonds du Bureau de l’écran autochtone (BEA), 10 % à des fonds destinés aux créateurs afro-descendants et racisés (BEN et FCEI) et au Fonds pour l’accessibilité de la radiodiffusion (FAR) de même que 10 % à des fonds de productions certifiés (FPIC) qui s’engageront à consacrer une enveloppe permanente au soutien des producteurs issus des CLOSM et de la diversité. Un montant équivalant à 30 % des sommes recueillies sera dirigé vers le Fonds pour les nouvelles locales indépendantes (FNLI).
Le CRTC a également reconnu, tel que préconisé par l’AQPM, le contenu de langue originale française comme l’un des domaines prioritaires nécessitant une attention immédiate à l’instar du contenu autochtone, des contenus créés par les communautés en quête d’équité et par les communautés de langues officielles en situation minoritaire (CLOSM). Le CRTC a ainsi mis en place un incitatif afin que les dépenses pour la production ou l’acquisition de contenu canadien certifié que les entreprises en ligne seront autorisées à déduire de la partie de leurs contributions de base au FMC respectent un ratio de 40 % pour le contenu de langue originale française et de 60 % pour le contenu de langue originale anglaise.
Si la décision du tribunal comporte plusieurs éléments positifs, il est vrai que l’allocation des contributions ignore les représentations faites, lors du processus réglementaire, à l’égard du financement du long métrage. En effet, l’omission de sommes dédiées à des fonds administrés par Téléfilm Canada, tel que réclamé par plusieurs intervenants, dont l’AQPM, a été relevée avec justesse par le Regroupement des producteurs indépendants de cinéma du Québec (RPICQ).
Précisons que la politique réglementaire du CRTC s’incarnera dans deux ordonnances soit l’une pour le secteur audio et l’autre pour l’audiovisuel. Le CRTC a joint en annexe de sa décision, les deux projets d’ordonnances en invitant les parties prenantes à présenter leurs observations avant le 14 juin 2024.
Puisque les commentaires ne devaient porter que sur le libellé des ordonnances et leur conformité par rapport à la politique réglementaire, l’AQPM a présenté un mémoire questionnant la pertinence d’octroyer un pourcentage élevé des contributions des plateformes au Fonds des nouvelles locales indépendantes (FNLI) qui ne couvre qu’un nombre très limité de bénéficiaires. L’AQPM évalue que les contributions versées au FNLI, qui sont actuellement de 17,8 millions de dollars, seraient bonifiées de 46 millions, soit une augmentation de plus de 250 %, grâce aux contributions à venir. Cela dépasse largement les besoins des bénéficiaires actuels et ne semble donc pas répondre à l’objectif du CRTC de subvenir à des besoins immédiats et urgents. L’AQPM demande donc qu’une part importante des sommes initialement allouées au FNLI soit redirigée vers le FMC et Téléfilm Canada. L’intervention de l’AQPM inclut également des commentaires relatifs au calendrier de versement des contributions aux fonds, au partage 40-60 %, au caractère temporaire de la décision du CRTC et une demande d’exclure l’acquisition de contenus préexistants comme option pour les plateformes numériques afin de compenser leur versement au FMC.
Mentionnons l’intervention des signataires de l’industrie cinématographique demandant également de revisiter l’allocation des contributions en réservant un pourcentage de 20 % des sommes perçues à Téléfilm Canada pour la production de longs métrages dans une proportion de 40 % – 60 % pour les marchés francophone et anglophone respectivement. Les signataires partagent également la préoccupation de l’AQPM à l’effet que le libellé de l’ordonnance du secteur de l’audiovisuel devrait être précisé pour exclure les montants payés par les plateformes à titre de frais d’acquisition de productions canadiennes. Seuls les montants dédiés à la production d’œuvres canadiennes originales devraient être comptabilisés dans leurs contributions.
Espérons que ces interventions aideront le cinéma à se tailler une place mieux définie parmi les bénéficiaires de ces contributions initiales des plateformes numériques. Sinon le milieu devra continuer de se mobiliser de façon concertée et complémentaire afin de s’assurer que les prochaines étapes de la redéfinition du cadre réglementaire de radiodiffusion reconnaissent l’importance de soutenir les œuvres cinématographiques canadiennes. Vous pouvez prendre connaissance de l’ensemble des observations des parties prenantes sur les projets d’ordonnances du CRTC.