Au cours des dernières semaines, l’AQPM a eu l’opportunité de participer aux travaux de la Commission de la culture et de l’éducation du Québec concernant les projets de loi 108 et 109 portant respectivement sur des modifications à la loi constitutive de la SODEC ainsi que sur la découvrabilité des contenus culturels francophones en ligne. Dans le cadre de leurs présentations, les représentantes de l’association ont répondu aux questions de M. Mathieu Lacombe, ministre de la Culture et des Communications, de M. Louis Lemieux, député de la Coalition avenir Québec et adjoint parlementaire du ministre de la Langue française de même que de Mme Madwa-Nika Cadet, députée du Parti libéral et porte-parole de l’opposition officielle en matière de culture et de communications.
PL109: Loi affirmant la souveraineté culturelle du Québec et édictant la Loi sur la découvrabilité des contenus culturels francophones dans l’environnement numérique
Le projet de loi no 109, déposé à l’Assemblée nationale en mai 2025, est le résultat de consultations menées en juillet 2024 sur l’encadrement de la découvrabilité des contenus culturels francophones en ligne lors desquelles l’AQPM avait soumis un mémoire.
Près d’un an et demi plus tard, l’AQPM et d’autres associations des secteurs de l’audiovisuel et de la musique ont été appelées à commenter le projet de loi et son impact pour le milieu culturel. L’AQPM s’est réjouie de la portée du projet de loi no 109 qui tient compte de l’évolution des habitudes de consommation de contenu audiovisuel. Elle a notamment salué son application aux téléviseurs connectés, à l’instar d’autres juridictions dans le monde. Elle a toutefois souligné que la loi devait également s’appliquer aux plateformes de médias sociaux comme YouTube qui offrent des services de visionnement de contenus audiovisuels. L’AQPM a formulé quelques recommandations visant à orienter le gouvernement dans la mise en application du projet de loi. Ces recommandations avaient notamment pour but de s’assurer que les contenus d’expression originale de langue française produits au Québec puissent bénéficier de façon optimale du projet de loi. L’AQPM a aussi demandé que les ententes de substitution consenties par le gouvernement aux plateformes numériques fassent l’objet d’un processus public préalable pour s’assurer qu’elles répondent aux objectifs de la loi.
L’AQPM a finalement rappelé que pour que la production audiovisuelle québécoise de langue originale française soit visible pour les auditoires, elle doit avant tout exister. Cela signifie qu’une offre abondante de contenus de qualité, bien financés et diversifiés doit être disponible sur tous les écrans. Les œuvres télévisuelles et cinématographiques nationales doivent bénéficier de moyens financiers leur permettant de se démarquer auprès des publics nationaux et étrangers, particulièrement celui de la jeunesse.
L’AQPM a incité le gouvernement à faire preuve d’audace afin de protéger et de mettre en valeur le contenu culturel de langue originale française produit ici, au bénéfice de nos créateurs, de notre industrie et des auditoires nationaux. La présentation de l’AQPM peut être visionnée ici et le mémoire complet est accessible ici.
En plus de l’AQPM, treize intervenants ont participé aux auditions publiques sur le projet de loi no 109 et vingt mémoires ont été déposés. Les plateformes étrangères (Motion Picture Association—Canada et Netflix) soutiennent notamment dans leur intervention écrite que ce projet de loi instaurerait des obligations de découvrabilité inédites, alors que l’offre en français déjà disponible est, selon elles, suffisamment abondante et repérable par les utilisateurs. Elles estiment qu’une approche par quotas risquerait plutôt de réduire la taille des catalogues et qu’elle serait difficile à respecter pour les services spécialisés axés sur un seul genre de contenus. Elles critiquent aussi l’alourdissement du cadre réglementaire et la modification à la Charte des droits et libertés, qui permettrait d’intenter des actions privées contre les services en ligne.
YouTube s’oppose également à l’imposition d’éventuelles mesures de découvrabilité parce que celles-ci pourraient nuire au système de recommandation neutre et personnalisé dont bénéficient actuellement ses utilisateurs. Des contenus de langue originale française imposés de façon non organique aux utilisateurs pourraient ne pas correspondre à leurs intérêts spécifiques. Ces utilisateurs risquent ainsi, selon YouTube, d’ignorer ou d’évaluer négativement ces contenus, ce qui ferait en sorte que ceux-ci seraient de moins en moins recommandés par le système.
Du côté des diffuseurs traditionnels, Bell Média et Québecor ont recommandé que les entreprises de radiodiffusion et de télécommunication canadiennes qui exercent des activités similaires aux entreprises visées par le projet de loi en soient exclues. Bell Média et Québecor estiment que les entreprises canadiennes sont déjà fortement réglementées et qu’elles contribuent amplement à la création et à la diffusion de contenu francophone.
De plus, Québecor s’oppose à ce que l’on soumette des plateformes en ligne étrangères comme Netflix à des obligations d’offrir du contenu de langue originale française. Le diffuseur mise plutôt sur les composantes du projet de loi qui concernent la découvrabilité des plateformes locales qui offrent ce type de contenus, sur les appareils connectés et les plateformes d’agrégation des services de programmation.
PL108: Loi modifiant la Loi sur la Société de développement des entreprises culturelles afin de moderniser son offre de services financiers et de reconnaître le domaine de la créativité numérique
L’AQPM a été invitée à nouveau, le 11 novembre, à présenter ses commentaires sur le projet de loi no 108. Ce projet permettrait, entre autres, que la banque d’affaires de la SODEC puisse prendre part au capital action des entreprises de production indépendante afin de favoriser leur stabilité. Au cours de sa présentation, l’AQPM a salué l’ambition dont le gouvernement faisait preuve à l’endroit de la SODEC et elle a réitéré son appui au projet de loi. Elle a toutefois tenu à attirer l’attention du gouvernement sur des éléments qui auront une possible incidence sur son application.
L’AQPM a d’abord rappelé l’importance de bien circonscrire la définition de la créativité numérique puisque la frontière entre les domaines de l’audiovisuel et celui de la création numérique n’est pas étanche. Pour ce faire, elle a suggéré que la ligne de démarcation se situe entre les contenus linéaires et ceux qui sont interactifs afin d’éviter toute ambiguïté entre ce qui relèvera des Commissions responsables de chaque secteur. L’AQPM a aussi souligné qu’en élargissant la juridiction de la SODEC au secteur de la créativité numérique et en élargissant les outils financiers à la disposition de sa banque d’affaires, on devait s’assurer que des sommes additionnelles lui soient allouées et qu’elle puisse augmenter ses effectifs permanents. Il serait déplorable que la reconnaissance d’un nouveau domaine d’activités se traduise par une redistribution des enveloppes existantes entre les programmes en place. De plus, si la SODEC devait continuer à recourir à des consultants externes pour gérer la demande croissante, elle perdrait sa faculté de développer et de conserver une expertise à l’intérieur de son équipe.
Finalement, l’AQPM a souligné la nécessité que malgré la modification apportée à la description des personnes qui pourront dorénavant siéger au Conseil d’administration de la SODEC, à ses diverses Commissions et à ses comités, une priorité soit accordée à des entrepreneurs actifs dans le secteur ou qui en sont récemment retirés. Pour que les décisions prises au niveau de ces instances soient éclairées, l’AQPM croit qu’elles doivent être guidées par des individus qui possèdent une vision d’ensemble de l’industrie concernée et une connaissance des liens d’affaires qui unissent les différentes parties prenantes de leur domaine respectif. La présentation complète de l’AQPM peut être consultée sur le site de l’Assemblée nationale du Québec et le mémoire complet est accessible sur notre site.