Mise en œuvre d’un sondage annuel sur les médias numériques par le CRTC

Au terme d’un processus public débuté en mai 2019 et qui s’est déroulé en deux phases, le CRTC a publié le 23 février dernier la Politique réglementaire CRTC 2022-47 qui porte sur la mise en œuvre d’un sondage annuel visant les médias numériques. Ce sondage a pour objectif de rendre compte de l’évolution des services de diffusion en ligne et de leur impact sur l’ensemble de l’écosystème de la radiodiffusion.

Dans cette politique, le Conseil annonce que ce sondage sera mené annuellement auprès des entreprises canadiennes ou étrangères qui exploitent des services de diffusion numériques au Canada et qui atteignent un certain seuil minimal de revenus perçus du système canadien de radiodiffusion (que ces revenus soient générés par des activités de radiodiffusion traditionnelles ou numériques). Ce seuil est fixé à 50 millions de dollars pour les entreprises exploitant des services audiovisuels et à 25 millions de dollars pour celles exploitant des services audio.

L’AQPM s’interroge sur ces seuils qui lui semblent élevés et qui risquent, en excluant un trop grand nombre d’entreprises, de dresser un portrait incomplet de la situation. Par exemple, est-ce qu’il faut comprendre qu’un service comme Amazon Prime Vidéo, qui aurait cumulé des revenus de 38,9 millions de dollars en 2019-2020 au Canada selon les estimations du CRTC[1] serait exclu de fournir des données ? Ce service est pourtant en pleine expansion au Canada et était à l’automne 2021, le deuxième service en importance au Canada avec un taux de pénétration de 29% dans le marché francophone et de 51% dans le marché anglophone.[2]

Après avoir analysé les différents commentaires reçus sur le projet de formulaire qu’il a soumis dans le cadre de ce processus public, le CRTC a limité les informations qui seraient demandées aux services audiovisuels  aux éléments suivants :

–  les revenus (revenus d’abonnement, publicitaires, transactionnels et autres) ;

– les dépenses en émissions (émissions canadiennes et non canadiennes) et

– le nombre d’abonnements (abonnements payants plein tarif, tarif réduit et abonnements gratuits).

L’AQPM déplore que le CRTC n’ait pas retenu les propositions qu’elle lui avait soumises afin que soient également récoltées des informations sur le niveau de dépenses en émissions d’intérêt national, en production indépendante et en émissions de langue originale française ainsi que les dépenses en initiatives consacrées à la promotion du contenu canadien.

L’AQPM avait fait valoir que ces informations étaient essentielles afin de permettre au CRTC de vérifier que la radiodiffusion en ligne contribue aussi à l’atteinte des objectifs de la Politique canadienne de la radiodiffusion tels que précisés à l’article 3 de la Loi sur la radiodiffusion notamment :

« la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait faire appel de façon notable aux producteurs canadiens indépendants ».

« le système de radiodiffusion canadien doit refléter adéquatement la dualité linguistique du pays ».

Ces informations auraient également permis au CRTC de s’assurer que tous les services de radiodiffusion facilitent la découvrabilité des contenus canadiens.

L’AQPM est déçue que le CRTC n’ait pas été convaincu de la nécessité d’intégrer ces éléments, ainsi que des éléments similaires soumis par d’autres intervenants des secteurs de l’audiovisuel et de l’audio, et qu’il estime plutôt que l’intégration de ceux-ci représenterait un fardeau administratif trop important pour les entreprises visées par le sondage.

Aussi, en réponse aux intervenants qui se questionnaient sur l’autorité du CRTC à demander de telles informations à des entreprises étrangères telles que Netflix, le Conseil confirme dans cette politique qu’il a la légitimité de le faire et cela, en vertu de l’ordonnance d’exemption relative aux entreprises de radiodiffusion de médias numériques (ordonnance de radiodiffusion 2012-409).

Le CRTC a fixé au 30 juin 2022 le délai pour lui soumettre des données sur les activités de radiodiffusion de médias numériques qui ont eu lieu au Canada au cours de l’année 2020-2021. Jugeant qu’il n’était pas encore en mesure de bien évaluer le risque de préjudice que représentait la divulgation de telles données pour les entreprises, le CRTC a indiqué qu’il désignerait de manière préventive comme confidentielles l’ensemble des données soumises au moyen de ce sondage.

Comme plusieurs intervenants, l’AQPM avait fait valoir qu’il était dans l’intérêt public de divulguer sur une base annuelle ou même trimestrielle les données qui seraient recueillies. Le CRTC a toutefois indiqué qu’il réévaluera ultérieurement la possibilité de publier de façon agrégée ces données et le niveau de détail approprié.

 

[1] Faits saillants annuels du secteur de la radiodiffusion 2019-2020, CRTC

 

[2] OTM, Automne 2021