L’AQPM, une union qui permet d’être plus forts, estime Joanne Forgues

Photo: courtoisie

Pour Joanne Forgues, être membre de l’Association québécoise de la production médiatique se révèle être une nécessité. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard que Productions Casablanca est membre depuis la création de l’entreprise en 2000. Dans un écosystème où la plupart des boîtes sont de taille modeste, il va de soi que de s’unir pour mieux négocier les différentes conventions collectives et assurer une représentation auprès des gouvernements demeure une évidence, estime la productrice.

« Si nous voulons dire que nous sommes un milieu culturel et non juste des individus, je pense qu’il faut se regrouper. C’est ce qui fait notre force et qui fait que nous sommes une industrie », affirme-t-elle en entrevue avec Qui fait Quoi à l’occasion des 55 ans de l’AQPM.

Très engagée du côté des négociations, Joanne Forgues a collaboré au fil des ans avec l’Union des artistes (UDA), l’Association des réalisateurs et réalisatrices du Québec (ARRQ) et la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC), notamment, et croit que les producteurs et productrices doivent participer davantage à cet exercice afin que les choses avancent. Heureusement, l’équipe spécialisée en droit à la permanence de l’AQPM aide énormément lorsque des questions reliées aux conventions collectives sont soulevées, surtout en ce qui concerne des éléments plus pointus.

D’autant plus que l’association a toujours su épouser l’évolution du milieu de l’audiovisuel. « Elle nous a aussi orientés, indique la productrice. Elle est à l’affût des annonces du gouvernement et des tendances à venir. Nous ne serions pas là où nous sommes rendus si l’AQPM n’avait pas été là. Les milieux qui se regroupent ont une force de frappe pour se faire entendre. »

La fondatrice des Productions Casablanca peut d’ailleurs en témoigner. Elle s’est présentée à Québec et à Ottawa pour représenter l’association. « Nous devenons un secteur important parce que nous sommes regroupés », atteste-t-elle. Cette voix unique sert également du côté de la SODEC, de Téléfilm Canada, du Fonds des médias du Canada et des autres organismes. Même un lien s’est créé avec la Canadian Media Producers Association (CMPA), organisation équivalente au Canada anglais. Ayant produit la série anglophone « The Disappearance » pour CTV et NBC en 2017, la productrice reconnait que ce rapprochement entre les deux regroupements simplifie les démarches.

En mai 2020, Productions Casablanca a été la première boîte de production à retourner en tournage de fiction au Québec avec « 5e rang ». Au moment de tourner un premier épisode-test, l’équipe ne bénéficiait pas encore des mesures sanitaires décidées par la CNESST. Les comédiens et les techniciens n’avaient pas encore le droit d’être à moins d’un mètre pendant quinze minutes. Tout le monde devait respecter la distanciation de deux mètres, rappelle Joanne Forgues. Par la suite, les règles se sont imposées.

« J’ai contacté l’AQPM et je l’ai avisé, raconte-t-elle. Elle a beaucoup aidé en contribuant à mettre en place les règles et à « démarrer la machine ». Ça a donné lieu à un mouvement. Et Hélène Messier a démontré que nous étions capables de nous organiser et de faire extrêmement attention. »

Certaine que l’année 2021 sera moins difficile que les douze derniers mois, la productrice juge que les principaux enjeux qui attendent l’association concernent, entre autres, la loi sur le statut de l’artiste, le maintien des crédits d’impôt et la relance du secteur cinématographique qui n’a pas eu la même chance que le milieu télévisuel. « Aussi, lorsque tout va reprendre, de quelle manière les finances vont-elles se stabiliser ? En ce moment, tout le monde a de l’argent, mais il va devoir y a avoir un rééquilibre quelque part et le défi sera de ne pas perdre nos acquis », confie Joanne Forgues qui souligne également l’importance d’entretenir de saines relations avec le ministère de la Culture et des Communications et Patrimoine canadien.

Impossible de ne pas penser non plus aux plateformes numériques. Déjà très alerte quant aux marchés étrangers, la présidente des Productions Casablanca soulève le dossier des droits internationaux. Entre l’exigence d’exclusivité de ces gros joueurs et la négociation des conventions collectives sur notre territoire, il faut trouver des pistes pour harmoniser les demandes des deux parties. « Quand nous négocions avec des auteurs ou des comédiens, ce ne sont pas pour des droits à perpétuité. Sauf que lorsque ça se passe avec les plateformes, elles veulent ces droits à perpétuité », indique la productrice.

Au bout du compte, l’avenir de la production médiatique québécoise et l’AQPM repose sur l’unité de l’industrie, insiste-t-elle. Certes, les entreprises évoluent dans un monde où elles sont également compétitrices. « En même temps, plus on se tient, mieux c’est », conclut-elle.

Propos recueillis par Frédéric Bouchard pour le Qui fait quoi no 407 (mai 2021).