La Cour d’appel fédérale donne raison au BCPAC

Le 27 septembre 2016, le tribunal d’appel a renversé la décision de première instance qui avait accueilli en partie la demande de révision judiciaire de Zone3 à l’encontre d’une décision du Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens. En effet, le BCPAC avait refusé de délivrer un certificat permettant d’obtenir un crédit d’impôt à la maison de production pour l’émission « On passe à l’histoire ». Le BCPAC  prétendait que la production se classait dans la catégorie exclue « production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours» alors que Zone3 arguait qu’il s’agissait plutôt d’un magazine nouveau genre doté d’un fort contenu informatif présenté de manière divertissante. Les questions ne servant que de prétexte ou de soutien à la présentation du contenu.

Le juge de première instance avait conclu que le BCPAC avait manqué à son obligation d’équité procédurale et que les motifs de refus de certification étaient « défectueux ». Il avait toutefois refusé d’accorder directement le certificat et avait renvoyé le dossier au BCPAC pour examen.  La Cour avait donc établi que le refus était vicié car on n’y retrouvait aucune analyse sérieuse de la nature véritable,  du caractère principal de la production ou des arguments de Zone3. Il en découlait un résultat final « arbitraire et capricieux ». Le BCPAC avait notamment justifié son refus en s’appuyant sur l’utilisation d’un « arbre de décision » qui proposait aux analystes une démarche et des critères à soupeser pour évaluer si l’émission était bel et bien un jeu. À cet égard, le juge de la Cour fédérale a souligné qu’il s’agissait de critères nouveaux non mentionnés dans le Règlement ou les Lignes Directrices applicables et qu’ils auraient dû être communiqués au producteur afin qu’il puisse faire valoir ses prétentions. Cela constituait donc un manquement à l’équité procédurale justifiant également l’intervention de la Cour.

La Cour fédérale d’appel devait donc décider si la décision du BCPAC de ne pas accorder de certificat au motif que l’émission comportait « un jeu, un questionnaire, ou un concours » était raisonnable et si le processus suivi rencontrait les exigences de l’obligation d’équité procédurale.

Les juges rappellent que le rôle du BCPAC ne consiste pas à qualifier la production, mais plutôt à s’assurer qu’elle n’entre pas dans des catégories exclues par le Règlement.  Il souligne que l’expression « une production comportant un jeu, un questionnaire ou un concours »  a une portée très large, qu’il n’y a aucune obligation dans le Règlement de quantifier l’importance de cet élément dans la production. Le BCPAC jouit donc d’un large pouvoir discrétionnaire dans l’application du Règlement et ce n’est pas à la Cour de le baliser ou de le circonscrire. Le Tribunal précise :« il n’appartient pas au pouvoir judiciaire de se substituer au législateur et de limiter le vaste pouvoir discrétionnaire qui a été confié au Ministre sauf dans les cas très rares où il peut être démontré que la décision contestée a été prise de façon arbitraire. Tel n’est pas le cas ici. » Selon la Cour, la décision n’était pas déraisonnable puisqu’elle faisait partie des « solutions possibles et acceptables » compte tenu du vaste pouvoir d’appréciation du BCPAC.

Sur la question de l’équité procédurale, le tribunal décrète que l’intensité des exigences requises dans le cas sous examen était minimale, notamment parce que la décision du BCPAC en est une de nature purement administrative, sans exigence de processus quasi-judiciaire.  D’ailleurs le Règlement ne prévoit aucune exigence procédurale alors que les Lignes Directrices prévoient l’envoi d’un préavis et la possibilité d’y répondre. Ce qui a été respecté.

Les juges de la Cour fédérale d’appel mentionnent aussi que : « le traitement réservé à d’autres productions ne pouvait créer des attentes légitimes pour l’intimée.» Par ailleurs, ils ajoutent que le producteur n’avait qu’à demander un avis d’admissibilité préliminaire afin de s’assurer que son émission était admissible à un crédit d’impôt.

Pour ces motifs, la Cour accueille l’appel et infirme la décision de première instance donnant ainsi raison au BCPAC.

Même si cette décision est décevante puisqu’elle fait état du large pouvoir discrétionnaire du BCPAC dans l’interprétation du Règlement et des lignes directrices, le Tribunal ouvre la porte à un résultat différent lorsque le producteur a obtenu un avis d’admissibilité préliminaire. Précisons aussi que l’émission « On passe à l’histoire » en était à sa première demande de certification. Le producteur ne pouvait invoquer qu’il s’agissait d’un revirement par rapport à des décisions antérieures relatives à cette même émission. Le Tribunal aurait-il alors trouvé raisonnable que le BCPAC juge différemment une même émission d’une saison à l’autre ?

Rappelons aussi que le BCPAC doit proposer, dans les prochaines semaines, de nouvelles définitions pour plusieurs catégories de genres exclus par le Règlement. Tant l’AQPM que le Regroupement des télédiffuseurs francophones  ont proposé des modifications  qui permettraient de mieux circonscrire les genres.  Espérons que le BCPAC se rappellera que l’instauration du crédit d’impôt avait pour but de développer la production indépendante nationale et de générer des emplois dans ce secteur. Sinon, peut-être que le BCPAC n’est plus l’organisme approprié auquel la ministre du Patrimoine devrait déléguer ses pouvoirs de certification des émissions.

En tout dernier recours, lorsque les principaux intervenants de l’industrie se mobilisent, on sait qu’il est désormais possible de modifier le Règlement