Examen de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur les télécommunications – Mémoire de l’AQPM

Le 5 juin 2018, le gouvernement du Canada annonçait la nomination d’un comité d’experts présidé par madame Janet Yale pour procéder à l’examen de la Loi sur les télécommunications, de la Loi sur la radiodiffusion et de la Loi sur la radiocommunication afin de les adapter au nouvel environnement numérique. 

Par la même occasion, il publiait un cadre de référence pour les travaux du comité.

Le 24 septembre 2018, le groupe d’examen procédait à un appel aux observations en retenant quatre thèmes pour orienter son travail et le processus de consultation :

  1. Réduction des obstacles à l’accès aux réseaux de télécommunications évolués par tous les Canadiens;
  2. Soutien à la création, à la production et à la découvrabilité du contenu canadien;
  3. Amélioration des droits du consommateur numérique;
  4. Renouvellement du cadre institutionnel qui régit le secteur des communications

Désireuse de contribuer à cet examen de l’ensemble des lois qui touchent les activités quotidiennes des producteurs indépendants, l’AQPM a déposé un mémoire le 11 janvier dernier dont en voici le sommaire.

La production audiovisuelle québécoise joue un rôle économique et social d’importance, avec un volume global de 1,8 milliard de dollars et l’équivalent de 36 400 emplois directs et dérivés. La majorité de ceux-ci proviennent du secteur de la production indépendante télévisuelle, grâce auquel la Politique de radiodiffusion canadienne peut atteindre ses objectifs en assurant une diversité des genres d’émissions produites, des lieux de production, des voix et des talents.

Le développement rapide des services en ligne et de leur utilisation par les consommateurs canadiens a entrainé des changements profonds dans l’écosystème de la production et de la distribution des contenus audiovisuels. Ces mutations menacent les modèles d’affaires sur lesquels notre industrie s’est développée et grâce auxquels elle a connu beaucoup de succès. Elles remettent également en question le cadre réglementaire des industries de la radiodiffusion et des télécommunications, mais également l’environnement législatif et fiscal de toutes les industries créatives.

Pour autant, l’adaptation de notre cadre législatif à l’environnement numérique ne doit pas être un prétexte pour dérèglementer l’ensemble des industries de la radiodiffusion et des télécommunications. Sans règlementation et sans mesures de soutien financier, certains contenus comme les dramatiques, les documentaires et les émissions pour enfants, seraient vulnérables aux simples forces du marché. Ceci est particulièrement vrai dans le marché de langue française en raison de sa taille restreinte qui limite la rentabilité des œuvres audiovisuelles.

Les objectifs de la Politique canadienne de radiodiffusion sont encore plus pertinents dans un environnement numérique. Ils doivent, en effet, s’appliquer à l’ensemble des services de programmation existants et à venir, quelle que soit la plateforme de diffusion, et, quel que soit le mode de distribution. Les objectifs de la Politique canadienne de radiodiffusion doivent aussi inclure la protection et la promotion de la diversité culturelle, favoriser et promouvoir la création et la présentation d’une programmation canadienne, tout en exigeant un recours important à la production indépendante.

Au Canada, l’industrie télévisuelle évolue au sein de deux marchés distincts qui ont émergé de la dualité linguistique du pays. Le nouveau cadre législatif canadien doit tenir compte des spécificités du marché de langue française et exiger du CRTC qu’il démontre sa prise en compte effective de ces particularités dans ses décisions.

Par ailleurs, l’écart entre les budgets pour les productions de langue anglaise et celles de langue française s’est très nettement accru ces dernières années, aggravant ainsi le sous-financement systémique de la production télévisuelle canadienne de langue française. Aussi, si l’on veut offrir aux Canadiens une programmation nationale en langue française et en langue anglaise de nature et de qualité équivalentes, il faut adapter le système de financement aux besoins des deux marchés.

L’existence d’un secteur de production sain et indépendant est essentielle à la vitalité de l’industrie canadienne de la radiodiffusion. Pour cela, il doit être en mesure de jouer pleinement son rôle et d’assurer sa pérennité en conservant le contrôle sur la production des contenus, sur leur exploitation et sur les revenus qui en découlent.

Mais l’AQPM constate un déséquilibre grandissant du pouvoir de négociation entre les diffuseurs et les producteurs indépendants. C’est pourquoi elle demande que la Loi sur la radiodiffusion garantisse l’indépendance des producteurs en exigeant du CRTC la mise sur pied d’un Code de pratique encadrant les négociations contractuelles entre les diffuseurs canadiens, privés et publics, et les producteurs indépendants.

Le nouveau cadre législatif doit aussi réaffirmer l’importance et l’indépendance du diffuseur public national en lui assurant un financement adéquat et prévisible. Toutefois, la société d’État devrait être soumise à une surveillance plus rigoureuse par le CRTC pour s’assurer qu’elle exerce toujours ses activités dans l’intérêt public.

Bien que l’écoute en mode traditionnel des productions locales rencontre toujours la faveur de l’auditoire québécois francophone, elle est en déclin depuis 2011 alors que les services en ligne gagnent du terrain. Les nouvelles plateformes n’hésitent pas à dépenser des milliards pour produire des contenus diffusés sur l’Internet, rendant de plus en plus difficile la production d’une programmation canadienne, particulièrement de langue française, capable de captiver un auditoire national qui a l’embarras du choix en matière de contenus.

La concurrence s’internationalise donc, alors que le financement de l’industrie audiovisuelle d’ici repose sur un secteur national en déclin. Les revenus publicitaires et d’abonnements des télédiffuseurs et des télédistributeurs canadiens diminuent, migrant vers les plateformes Internet étrangères et vers les fournisseurs de services de télécommunications. Pourtant, toutes ces entreprises livrent à l’auditoire canadien un contenu similaire. Il devient donc urgent de revoir le champ d’application des lois en le fondant sur la nature des activités des entreprises plutôt que sur la technologie qu’elles utilisent.

Toutes les entreprises de diffusion qui livrent du contenu audiovisuel ou musical en continu à des résidents canadiens en passant par les réseaux Internet ou sans fil et qui génèrent des revenus auprès d’abonnés ou de clients résidant au Canada, doivent être soumises à des obligations de contribution financière, de mise en valeur du contenu canadien et d’information sur leurs activités.

De même, les entreprises qui fournissent des services Internet ou de téléphonie sans fil devraient, tout comme le font déjà les entreprises de distribution de radiodiffusion, apporter leur soutien et leur contribution au financement des productions audiovisuelles canadiennes.

Afin de faire respecter ces obligations, l’AQPM demande que les pouvoirs de sanction du CRTC soient ajustés pour permettre à l’organisme de règlementation d’imposer des pénalités administratives monétaires.

Enfin, l’AQPM estime que la neutralité d’Internet doit être définie explicitement et protégée par la Loi sur les télécommunications. Toutefois, l’AQPM croit que la législation devrait préciser que la neutralité d’Internet ne doit pas protéger les activités illégales sur Internet qui contreviennent à la loi canadienne sur le droit d’auteur.

Le CRTC devrait d’ailleurs se voir attribuer plus de pouvoirs en matière de droits d’auteur, en lui accordant notamment un pouvoir de réglementer l’accès à des sites ou à des services qui se livrent de manière flagrante ou structurelle à la violation du droit d’auteur, en tenant dûment compte des principes de la neutralité de l’Internet et de la liberté d’expression.

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