Le 3 novembre dernier, le ministre du Patrimoine canadien Steven Guilbeault déposait à la Chambre des communes un projet de loi visant à modifier la Loi sur la radiodiffusion. L’objectif est d’inclure les entreprises de programmation en ligne dans le cadre réglementaire canadien et d’octroyer de nouveaux pouvoirs au CRTC. Les diffuseurs traditionnels et les plateformes seraient désormais assujettis à des ordonnances de conditions de services qui pourraient inclure des obligations de dépenses en contenu canadien, de contribution à des fonds et de mise en valeur du contenu canadien. Le projet fait également une large place aux autochtones et aux communautés sous-représentées.
L’AQPM a bien accueilli l’intention du gouvernement d’enfin contraindre les services en ligne à contribuer à la promotion et à la production de contenus canadiens, elle a cependant constaté des lacunes importantes dans le projet de loi notamment au niveau de la propriété canadienne des entreprises, du contenu original de langue française et des mécanismes visant à encadrer le CRTC.
Plusieurs intervenants ont souhaité intégrer dans le projet une exigence minimale sous forme de quotas pour soutenir le contenu original de langue française. La loi fixe les grands objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion et établit le cadre permettant au CRTC de réglementer les entreprises de programmation et de distribution. Actuellement, les diffuseurs traditionnels dans le marché de langue française se voient imposer, à la suite d’un processus d’audiences publiques, des conditions de licences qui prévoient un certain niveau de dépenses en émissions canadiennes et en émissions d’intérêt national, un pourcentage de contenu original en langue française de même qu’un pourcentage de production indépendante. Un processus similaire a lieu pour les diffuseurs de langue anglaise.
Les entreprises de radio ont aussi des conditions de licence qui établissent, au Québec, des pourcentages de diffusion de contenus francophones en plus de contributions à des fonds canadiens pour la musique.
Il devient donc difficile d’imposer des quotas de contenu original de langue française, car chaque situation est différente et la loi englobe une multitude d’entreprises de diverses tailles qui diffusent du contenu audiovisuel ou musical et qui opèrent dans des marchés différents.
L’AQPM a d’ailleurs eu plusieurs discussions avec des experts à cet égard et aucun ne recommandait cette approche. Par ailleurs, l’AQPM a plutôt élaboré une série d’amendements pour s’assurer que la création, la production et la diffusion de contenu original de langue française s’inscrivent dans les objectifs principaux de la législation, dans la mission du CRTC et dans les obligations qui doivent être imposées aux joueurs traditionnels et aux entreprises en ligne. Ces amendements ont été appuyés par la quarantaine d’associations membres de la Coalition pour la diversité des expressions culturelles. Il en va de même pour les propositions de l’AQPM visant à assurer la tenue d’audiences publiques dans le processus d’attribution des conditions de services et à restaurer l’appel au gouverneur en conseil si le CRTC rend une décision qui s’éloigne des objectifs fondamentaux de la loi. L’AQPM s’est également associée à la CMPA pour demander que soit intégrée dans les pouvoirs du CRTC la possibilité d’imposer des codes de conduitepour réguler les ententescommerciales entre les producteurs indépendants et les entreprises de programmation traditionnelles et en ligne.
L’AQPM a déjà eu plusieurs rencontres pour discuter de ces propositions avec le ministre Guilbeault et les membres de son cabinet, les représentants de son ministère de même qu’avec des députés, membres des partis d’opposition. Les suggestions de l’association ont été bien accueillies et le ministre assure qu’il y a une ouverture pour améliorer le projet de loi. Les membres du comité permanent du Patrimoine devraient commencer l’étude du projet de loi C-10 à la fin janvier ou en février 2021 et l’AQPM préparera un mémoire à leur intention.