Coalition pour la pérennisation du budget de Téléfilm Canada

Interventions de l'AQPM
coalition contre fed

Montréal, 19 octobre 2023

L’Honorable Chrystia Freeland

OBJET : Énoncé économique de l’automne 2023; financement urgent de Téléfilm Canada et du Bureau de l’écran autochtone

Madame la ministre,

L’Association québécoise de la production médiatique (AQPM), l’Association des réalisateurs et des réalisatrices du Québec (ARRQ), la Société des auteurs de radio, télévision et cinéma (SARTEC) et l’Union des artistes (UDA) représentent des milliers de professionnels de l’industrie de la production audiovisuelle québécoise. Ensemble, nos membres contribuent à la création et à la production de centaines de contenus cinématographiques et télévisuels par année. Ces contenus sont fortement appréciés par les auditoires nationaux et plusieurs se démarquent à l’international. Ils reflètent notre identité, favorisent l’usage de la langue française et témoignent de l’attachement qu’éprouvent les Québécois envers elle et envers leur culture.

L’industrie de la production audiovisuelle est un moteur économique important pour le Québec. En 2021-2022, la production indépendante québécoise représentait environ 37% de la valeur totale du volume de production, soit un peu plus d’un milliard de dollars, fournissant l’équivalent de près de 23 000 emplois temps plein directs et dérivés.
Le public québécois est friand de ses productions nationales. Dans son plus récent rapport annuel, le Fonds des médias du Canada révélait que parmi les 30 émissions canadiennes les plus écoutées dans chacun des marchés linguistiques, 29 émissions francophones produites au Québec dépassaient le million de spectateurs en cotes d’écoute alors qu’il n’y en avait que deux dans le marché anglophone dont l’une était également produite à Montréal. Rappelons que les productions de langue française bénéficient de budgets de trois à quatre fois moins élevés que les productions anglophones selon le genre alors qu’elles n’ont accès qu’au tiers des enveloppes de financement du Fonds des médias du Canada et de Téléfilm Canada.

Les auditoires québécois sont tout aussi intéressés par leur cinéma. Depuis le début de l’année 2023, trois longs métrages québécois ont franchi la barre du million et demi de dollars en recettes guichet, soit un film jeunesse, Katak le brave béluga (10e Ave Productions) de même que Le temps d’un été (Attraction) et Les hommes de ma mère (Jessie Films). Les films Simple comme Sylvain (Métafilms) et Testament (Cinémaginaire), dernier opus de Denys Arcand, sont eux aussi voués à atteindre des sommets exceptionnels à l’issue de leur carrière en salle. Les attentes sont par ailleurs grandes à l’endroit du film d’animation La légende du papillon (CarpeDiem Film & TV) qui a pris l’affiche, le 13 octobre dernier, sur 175 écrans partout au Canada.

Malgré ce portrait optimiste, la hausse des dépenses liées à la production plombe les budgets de langue française déjà extrêmement serrés. Lors de la campagne électorale de 2019, l’ensemble de l’industrie s’était réjouie que le Parti Libéral du Canada intègre à même sa plateforme une série d’engagements pour remédier à un problème qui était alors déjà connu. Les mesures visaient entre autres à bonifier de façon pérenne le budget de Téléfilm Canada de 50 millions de dollars annuellement et à faire en sorte que l’agence porte la proportion de son financement consacré à la production de langue française à 40 % de son enveloppe plutôt qu’à 33 %.

À la suite de l’élection, le gouvernement a graduellement augmenté sa contribution à Téléfilm sur trois ans passant de 20 millions, à 35 millions et à 50 millions en 2023-2024. Cette bonification représente près de 40 % des sommes allouées au développement et à la production des longs métrages par Téléfilm. Or, aucune assurance quant à la pérennisation de la hausse du budget de Téléfilm, malgré une promesse à cet effet, n’a encore été annoncée par le gouvernement canadien. Une réponse à cet égard ne peut malheureusement pas attendre au budget de mars 2024.

En effet, Téléfilm Canada s’apprête à recevoir, au début du mois de décembre, les demandes de financement pour les films qui seront tournés l’an prochain. Elle doit rapidement obtenir la confirmation de son budget afin que les tournages puissent se mettre en branle dès le début du printemps. Une réponse tardive compromettrait la prochaine année de production cinématographique et mettrait en péril l’emploi de milliers de producteurs, de professionnels et d’artisans qui en dépendent. Cela se traduirait inévitablement par une baisse du nombre de longs métrages qui verraient le jour de même que par un sous-financement de ceux qui seraient produits.

Il est essentiel de conserver un volume de production conséquent à la fois pour maintenir les emplois qui sont en jeu, mais également pour s’assurer que des longs métrages francophones de qualité continuent à occuper les écrans au même titre que les productions étrangères qui leur font une compétition indéniable à l’aide de moyens nettement plus substantiels
En plus de Téléfilm Canada, le Bureau de l’écran autochtone (BEA) travaille sans relâche pour accompagner les créateurs et les producteurs autochtones du Canada en opérant des programmes de financement et de formation adaptés aux communautés qu’il représente.

Malheureusement, le gouvernement a failli à annoncer la pérennisation de sa contribution financière annuelle de 13 millions de dollars lors du dernier budget. La précarité dans laquelle sera plongé le BEA au-delà du 31 mars 2024 compromettra sa capacité à poursuivre sa mission et menacera son existence.

C’est pourquoi l’AQPM, l’ARRQ, la SARTEC et l’UDA demandent d’une même voix que le gouvernement du Canada s’engage, dès la mise à jour économique de l’automne, à pérenniser, tel que promis, l’augmentation du budget de Téléfilm Canada de 50 millions de dollars par année et à confirmer sa contribution annuelle de 13 millions de dollars au Bureau de l’écran autochtone.

Cordialement,

signatures lettre freeland