L’appui de l’AQPM a été essentiel pour le secteur de l’animation, foi de Nancy Florence Savard

Photo: Éric Denis

Nancy Florence Savard est entrée comme membre de l’AQPM avec le statut de stagiaire, à l’époque où celui-ci existait, et elle l’est restée longtemps, se souvient-elle, parce qu’il fallait produire 150 minutes par année, alors qu’elle faisait des contes de Noël, ce qui lui prenait un an ou deux par conte. Toutefois, elle estime être arrivée au bon moment, alors que le secteur de l’animation connaissait de grands bouleversements. Tout était à refaire après l’explosion de la bulle techno, au tournant de l’an 2000.

Il y a eu le drame CINAR, rappelle la fondatrice de 10e Ave Productions. D’autres entreprises ont également navigué en eaux troubles. Le chiffre d’affaires de l’animation est passé en quelques années de 200 millions $ à 20 millions $. « Il a fallu nous retrousser les manches, raconte Nancy Florence Savard. C’était aussi l’époque où le numérique transformait les façons de faire, avec l’arrivée de Softimage pour la 3D et Toon Boom pour la 2D, bousculant l’animation traditionnelle. » La productrice du long métrage « Le Coq de St-Victor » souligne que cela ne fait pas si longtemps que Téléfilm Canada a intégré les postes d’animation dans ses règles. Elle-même se trouvait dans la section régionale, qui a aussi pris du galon. « Aujourd’hui, nous formons entre 10 et 15 % du membership hors du grand Montréal, explique-t-elle. Cela soulève aussi son lot de défis et de préoccupations. »

Nancy Florence Savard a trouvé en l’AQPM une belle famille d’accueil, dont elle se sent membre à part entière. Évidemment, le secteur télé prend la part du lion, mais quand certains secteurs se trouvent en situation plus difficile, les autres se montrent prêts à donner du lest pour l’aider. « Les membres sont extrêmement généreux, note-t-elle. Par exemple, quand le documentaire n’allait pas bien, l’association lui a donné davantage d’attention. « Dans ce même esprit, dans les derniers temps, on a vu une plus grande importance pour intégrer les communautés de la diversité, des gens qui ne viennent pas d’embléevers l’association », avance-t-elle.

Et si l’association compte peu de membres en animation et en long métrage, elle se montre toujours prête à aller chercher leur son de cloche, leur avis. Parmi les membres, une poignée a des chiffres d’affaires élevés de 45 millions $ et plus, mais la majorité compte sur un chiffre d’affaires de 5 millions $ et moins. Le membership de l’AQPM reflète la société québécoise, note la productrice. Et l’association essaie de se montrer attentive aux différentes réalités.

En ce début d’année 2021, le milieu de la production médiatique se trouve dans une grande période de consultation, que ce soit sur le projet de Loi C-10, à Téléfilm Canada ou encore au Fonds des médias du Canada. L’AQPM se retrouve chaque fois au front, consultant tous les membres et pas seulement ceux du conseil d’administration. On sent un esprit de collectivité. « Depuis l’arrivée d’Hélène Messier, les dossiers n’arrêtent pas, qu’il s’agisse des négociations des conventions collectives ou du boom des plateformes de diffusion en continu, remarque Nancy Florence Savard. Nos voisins du sud sont prêts à acquérir notre territoire et il faut toujours faire preuve de diligence. »

La présence de l’AQPM a été importante dans le parcours de la productrice, qu’il s’agisse du développement de sa propre entreprise ou de celui du secteur de l’animation. Il n’y a pas si longtemps, produire un film d’animation 100 % québécois semblait infaisable, surtout un film en français. Grâce au travail de l’association, les institutions de financement ont commencé à mettre en place des incitatifs pour le genre. Cependant, dans le catalogue de Téléfilm, on ne retrouve toujours pas de catégorie animation. Il reste du travail à faire, note la fondatrice de 10e Ave Productions. L’animation se retrouve généralement avec le secteur jeunesse, alors qu’on voit de plus en plus de productions animées qui plaisent aux adultes. Et l’AQPM a toujours été présente pour faire de la représentation pour le genre.

« À quelques reprises, j’ai eu le privilège d’accompagner Hélène avec d’autres producteurs dans des rencontres avec la ministre de la Culture, raconte Nancy Savard. Elle sait expliquer la particularité de la production en région et l’importance de développer et de garder la propriété intellectuelle ici. En 2020, avec la pandémie, il a fallu régler le dossier des assurances pour les tournages ; l’AQPM a eu des discussions avec la SODEC pour que nous puissions reprendre rapidement la production. Si on est capable de le faire au provincial, on peut aussi le faire au fédéral. »

La production de contenu en langue française fait également partie des priorités de l’association. Lorsque Nancy Savard a commencé la production du « Coq de St-Victor », les gens ont douté, se souvient-elle. « C’était la première fois qu’un film d’animation sortait d’abord en français, raconte-t-elle. On a fait des ventes internationales majeures et le film est entré sur Netflix, avec une version doublée. L’animation est un genre qui voyage bien, il faut préserver notre propriété intellectuelle. Montrer le Québec dans nos films fait partie de notre ADN et on réussit à le faire. Et l’AQPM a joué un rôle dans la sensibilisation des agences d’exportation. »

Propos recueillis par Sophie Bernard pour le Qui fait quoi no 407 (mai 2021).