État des lieux de la situation du documentaire unique

Interventions de l'AQPM

Dans la foulée des représentations faites par la coalition Pour la suite du doc au printemps 2022, l’AQPM poursuit, de concert avec l’ARRQ, une réflexion sur la situation du documentaire unique dans le but d’émettre des recommandations aux diverses parties prenantes impliquées dans le financement, la diffusion et la distribution de ce type précis de contenu. L’ensemble des acteurs de l’industrie ont un rôle à jouer dans la vitalité et le rayonnement des longs et moyens métrages documentaires.

Hélène Messier et Anne-Valérie Tremblay, respectivement présidente-directrice générale et responsable financement et services aux membres de l’AQPM, ont d’abord procédé à une série d’entrevues avec sept diffuseurs publics et privés de langue française (plateformes et télédiffuseurs), trois distributeurs de longs métrages et un bailleur de fonds. Quelques conversations demeurent à prévoir d’ici la fin de 2022. Les échanges ont été fort stimulants et ils ont permis d’identifier les enjeux importants à considérer dans l’élaboration de pistes de solutions. Il s’agit notamment de la promotion des œuvres, de la chronologie des fenêtres de diffusion, du nombre de cases qui sont dédiées au documentaire chez les télédiffuseurs, des sommes disponibles dans le système, du niveau des budgets, des licences seuils exigées par le Fonds des médias du Canada (FMC), du rôle des plateformes et de l’exportation des contenus. De nouveaux modèles et des tendances encourageantes ont toutefois été avancés par les intervenants rencontrés et ils serviront d’inspiration pour la suite de la démarche.

L’AQPM constate qu’il existe bel et bien un engouement de la part des diffuseurs pour le genre documentaire mais, qu’au fil du temps, les grilles horaires ont concédé une place grandissante aux séries documentaires par rapport aux œuvres uniques. Cela s’explique en partie parce que les ressources nécessaires pour la promotion des documentaires uniques sont similaires à celles déployées pour les séries, mais que les retombées sont réparties sur plusieurs semaines dans le cas d’une série et non sur une seule diffusion. Pour pallier cette problématique, les diffuseurs ont tendance à rechercher des documentaires uniques qui abordent des sujets qui captent en eux-mêmes l’attention du public comme des anniversaires d’événements marquants, des thématiques sociales d’actualité ou qui mettent en vedette des personnalités connues. Ces orientations dans le traitement des sujets peuvent s’avérer contradictoires avec l’intérêt que les productions peuvent susciter sur les marchés internationaux.

Si certains diffuseurs aimeraient pouvoir rapprocher la diffusion télé des longs métrages de leur date de sortie en salle pour bénéficier des efforts promotionnels déployés en amont, les distributeurs sont, pour leur part, plutôt hésitants à trop raccourcir la période d’exclusivité du grand écran. Bien que cette fenêtre ait rétréci au fil du temps, il s’agit d’un moment privilégié pour les équipes de production pour partir à la rencontre des publics visés grâce à des projections spéciales dans l’ensemble de la province tout en protégeant la sortie sur quelques écrans dans les milieux urbains.

Il est difficile d’assembler des structures de financement conséquentes pour des documentaires uniques qui exigeraient des licences excédant les seuils du FMC et des minimums garantis substantiels. Cette problématique a suscité des questionnements sur les ressources disponibles pour les longs et moyens métrages documentaires chez l’ensemble des bailleurs de fonds. L’arrimage des dates de dépôts entre les fonds demeure à approfondir de même que les impacts de cumuler les partenaires de financement sur la capacité des diffuseurs à atteindre les exigences seuils.

Il va sans dire que la baisse graduelle des enveloppes de rendement a eu des effets sur l’ensemble des télédiffuseurs, mais davantage sur certains. La création du programme de documentaires d’auteur en français a, quant à lui, changé la donne pour le déclenchement d’œuvres uniques en 2022-2023. Si les réactions ont été initialement mitigées devant la mise en place du programme, des diffuseurs y ont vu une opportunité de revisiter leurs plans pour le mieux. Des diffuseurs se sont par ailleurs montrés ouverts à de nouveaux modèles impliquant de la codiffusion, des partenariats avec des festivals ou des plateformes canadiennes et étrangères. La plupart exploitent déjà des services de diffusion en ligne et ils aimeraient y héberger plus de productions documentaires originales ou de catalogue.

À la lumière du tour de piste effectué jusqu’à maintenant, il semble que les moyens, les lieux de diffusion (télé, cinéma et numériques) ainsi que la promotion des moyens et des longs métrages documentaires demeurent en situation précaire. L’injection de nouveaux fonds dans le système ne se traduira pas forcément par une hausse du nombre de longs métrages pour la salle diffusés intégralement à la télévision, de la même manière que les salles de cinéma ne feront pas automatiquement une place plus grande au documentaire d’auteur dans leur programmation.

À partir de cet état des lieux sommairement résumé pour les fins de cet article, l’AQPM s’apprête à soumettre à ses membres des idées de solutions qui seront portées auprès des diffuseurs, des bailleurs de fonds, des distributeurs et du gouvernement du Québec. Ces propositions seront également soumises à d’autres regroupements de l’industrie sensibles à la situation du documentaire unique et qui seraient susceptibles de les appuyer.